Publié le 15 mars 2024

Contrairement à une idée reçue, répéter à un enfant qu’il est « génial » ne bâtit pas sa confiance, mais peut créer une dépendance à l’approbation externe.

  • La vraie confiance se construit par des expériences de maîtrise, pas par des compliments génériques.
  • Le rôle du parent est de devenir un « architecte » qui conçoit des défis à la mesure de l’enfant et l’aide à analyser ses propres réussites et échecs.

Recommandation : Remplacez les éloges sur le résultat par des observations factuelles sur l’effort, la stratégie et les progrès pour ancrer la confiance de votre enfant dans ses propres capacités.

En tant que parent, voir son enfant douter de lui est une expérience douloureuse. Notre premier réflexe, bienveillant, est souvent de le couvrir de compliments : « Mais si, tu es le plus fort ! », « Ton dessin est magnifique ! », « Tu es si intelligent ! ». Nous espérons ainsi lui injecter une dose de confiance, comme on appliquerait un baume sur une blessure. Pourtant, jour après jour, nous constatons que ce puits de compliments semble sans fond. La moindre difficulté, le premier échec, et voilà que le doute réapparaît, plus fort encore. C’est que nous nous trompons de stratégie. Nous agissons en supporters, alors que notre enfant a besoin d’un architecte.

Le consensus éducatif a longtemps prôné la valorisation à tout prix, oubliant un principe fondamental exploré par des psychologues comme Carol Dweck : la confiance durable ne vient pas de ce que les autres pensent de nous, mais de ce que nous nous prouvons à nous-mêmes. Bâtir la sécurité intérieure d’un enfant ne consiste pas à le protéger du monde ou à le bombarder d’éloges. Il s’agit de lui fournir les plans, les matériaux et les outils pour qu’il construise lui-même sa propre cathédrale de confiance, pierre par pierre, défi après défi. Et si la véritable clé n’était pas de lui dire qu’il est capable, mais de lui créer des occasions de le découvrir ?

Cet article n’est pas une nouvelle liste d’astuces. C’est un changement de paradigme. Nous allons déconstruire les mythes autour de la confiance en soi pour vous donner les clés d’une nouvelle posture : celle du parent-architecte. Nous verrons comment distinguer l’estime de la confiance, comment transformer votre langage pour devenir un véritable coach, et comment utiliser les responsabilités, les erreurs et même le jeu pour ériger des fondations solides et pérennes pour le bien-être de votre enfant.

Pour vous guider dans cette démarche de construction, cet article s’articule autour de plusieurs étapes clés, des fondations théoriques aux outils pratiques pour accompagner votre enfant dans ses relations sociales.

Estime de soi ou confiance en soi : les deux piliers de la sécurité intérieure de votre enfant (et comment nourrir chacun)

Avant de commencer à bâtir, un bon architecte doit connaître ses matériaux. En psychologie infantile, deux concepts sont souvent confondus et pourtant radicalement différents : l’estime de soi et la confiance en soi. Comprendre cette distinction est la première pierre de votre édifice. L’estime de soi est la valeur que l’on s’accorde en tant que personne, indépendamment de nos réussites ou de nos échecs. C’est le sentiment profond d’être digne d’amour et de respect, un « je suis ». Elle se nourrit d’amour inconditionnel, de sécurité affective et du sentiment d’appartenance.

La confiance en soi, quant à elle, est beaucoup plus spécifique. C’est la croyance en sa propre capacité à accomplir une tâche donnée, à surmonter un obstacle. C’est un « je peux ». On peut avoir une excellente confiance en soi pour faire du vélo, mais une très faible pour parler en public. Elle se construit par l’action, l’expérience et la répétition. Un enfant peut ainsi paraître très expansif et avoir confiance en ses capacités sportives, mais être en réalité tétanisé par la peur de l’échec scolaire, signe d’une estime de soi fragile.

L’illustration ci-dessous symbolise ce dialogue intérieur : l’enfant se regarde, non pas pour juger son apparence, mais pour évaluer les « outils » (ses compétences, ses vêtements, ses choix) dont il dispose pour affronter la journée. C’est la jonction entre sa valeur intrinsèque et sa capacité à agir.

Enfant observant son reflet dans un miroir avec des vêtements posés sur le lit, symbolisant le choix et la perception de soi.

En France, cette construction est d’autant plus cruciale que les inégalités s’y installent tôt. Selon une étude de l’INSEE, l’écart de confiance en ses propres capacités scolaires est déjà marqué à l’entrée en sixième : si 23% des filles de milieux défavorisés se sentent capables, elles sont 35% en milieu favorisé, un écart qui se creuse encore chez les garçons. Cela montre que l’environnement et l’accompagnement sont des facteurs déterminants. Nourrir l’estime de soi, c’est dire « Je t’aime quoi qu’il arrive ». Construire la confiance en soi, c’est dire « Je crois en ta capacité à essayer, et je serai là que tu réussisses ou que tu échoues. » Les deux sont indissociables pour une sécurité intérieure solide.

Arrêtez de dire « c’est génial ! » à votre enfant : la puissance de l’encouragement spécifique

Imaginez que votre architecte vous dise simplement « votre maison est géniale » sans jamais parler des fondations, de l’isolation ou de l’agencement des pièces. Seriez-vous rassuré ? Probablement pas. C’est pourtant ce que nous faisons avec nos enfants. Le compliment générique, même s’il part d’une bonne intention, est un sucre rapide : il procure un plaisir immédiat mais ne nourrit pas en profondeur. Pire, il rend l’enfant dépendant de votre jugement et anxieux face à la performance. Il apprend que sa valeur dépend de la production de quelque chose de « génial ».

L’alternative puissante est l’encouragement descriptif et spécifique. Il ne s’agit plus de juger le résultat, mais de décrire le processus, l’effort ou la stratégie. C’est la différence entre dire « Tu es intelligent » (un jugement sur l’identité) et « J’ai vu que tu as essayé plusieurs fois avant de réussir à emboîter cette pièce, tu as été persévérant » (une observation sur l’action). Cette approche est au cœur des travaux de la psychologue Carol Dweck, qui a démontré comment le type d’éloge que nous donnons façonne l’état d’esprit de nos enfants.

Complimenter l’intelligence ou le talent d’un enfant renvoie un message d’esprit fixe. Cela fragilise leur confiance et leur motivation.

– Carol Dweck, Recherches sur l’état d’esprit de développement

En complimentant l’effort, la concentration, la stratégie, la prise de risque ou l’amélioration, vous envoyez un message beaucoup plus fort : « Ce qui compte, ce n’est pas d’être parfait, mais de s’engager et d’apprendre. » L’enfant intériorise alors que sa compétence n’est pas un don inné, mais une chose qui se développe. Il n’a plus peur de l’échec, car l’échec devient une simple information sur le chemin de l’apprentissage. Il devient l’acteur de son propre succès, et non le sujet de votre approbation.

  • Au lieu de dire « C’est beau ! », essayez : « Je vois que tu as pris le temps de choisir des couleurs qui vont bien ensemble pour ton dessin. »
  • Plutôt que « Bravo, tu as réussi ! », tentez : « J’ai remarqué les progrès que tu as faits depuis la dernière fois, tu as mieux tenu ton crayon. »
  • Remplacez « Tu es doué ! » par : « J’apprécie l’effort que tu as mis pour ranger tes affaires sans que je te le demande. »
  • Transformez « Super ! » en : « Tu as fait preuve de patience pour boutonner ta chemise tout seul, ce n’était pas facile. »

« Tu es le responsable des plantes vertes » : comment de petites responsabilités créent de grands sentiments de fierté

Une fois les plans dessinés avec un langage encourageant, l’architecte doit ouvrir le chantier. Pour un enfant, ce chantier, ce sont les responsabilités. Confier une tâche réelle, avec un impact visible, est l’un des moyens les plus efficaces de construire la confiance en soi. Une responsabilité n’est pas une corvée. C’est une mission qui transmet un message puissant : « Je te fais confiance pour t’occuper de quelque chose d’important ». Ce sentiment de compétence et d’utilité est un nutriment essentiel pour l’estime de soi.

L’autonomie n’est pas l’abandon. Il ne s’agit pas de dire « habille-toi tout seul » et de quitter la pièce. Il s’agit de créer un cadre sécurisé où l’enfant peut exercer son pouvoir d’agir. C’est ce qu’on appelle « l’échafaudage » : le parent fournit la structure (le matériel à portée de main, des instructions claires, un objectif défini) pour que l’enfant puisse construire par lui-même. Au début, vous arrosez la plante avec lui, puis il la fait sous votre regard, et enfin, il devient le « Responsable officiel des plantes vertes » de la maison.

Étude de cas : Le rôle de Météorologue en Chef de la famille

L’idée est simple : chaque matin, l’enfant (dès 5-6 ans) a pour mission de vérifier la météo sur une application ou un thermomètre et d’annoncer à la famille le temps qu’il fera. Son rôle va plus loin : il peut proposer la tenue adaptée (« Aujourd’hui, il faut les bottes de pluie ! »). Cette mission, apparemment simple, le positionne comme un acteur utile et compétent. Il prend une décision basée sur des informations réelles et son choix a un impact direct sur le confort de la famille. Il n’est plus celui qu’on habille, mais celui qui sait comment s’habiller.

L’important est de choisir des missions adaptées à l’âge, ni trop simples (ennuyeuses) ni trop complexes (décourageantes), et de laisser une vraie marge de manœuvre. L’enfant doit pouvoir faire des erreurs (oublier d’arroser) et en constater les conséquences (la plante fane) pour apprendre à ajuster son action. Votre rôle n’est pas de critiquer l’erreur, mais de l’aider à trouver la solution (« Que pourrait-on faire pour que notre plante aille mieux ? »).

Votre plan d’action : trouver la bonne mission pour votre enfant

  1. Identifier les opportunités : Listez toutes les petites tâches quotidiennes où votre enfant pourrait être impliqué (mettre la table, ranger les chaussures, s’occuper d’un animal, choisir le menu du soir).
  2. Définir une mission claire : Choisissez une seule tâche et transformez-la en « poste » officiel. Au lieu de « range tes chaussures », créez le rôle de « Gardien de l’Entrée Propre ».
  3. Fournir les outils et la formation : Montrez-lui exactement comment faire, où se trouvent les outils (éponge, arrosoir, etc.) et quel est le résultat attendu. Faites-le avec lui les premières fois.
  4. Lâcher prise et faire confiance : Laissez-le faire, même si ce n’est pas parfait. Résistez à l’envie de repasser derrière lui. La fierté de l’accomplissement vaut plus que la perfection.
  5. Valoriser la responsabilité, pas le résultat : Remerciez-le pour son implication. « Merci de t’être occupé des plantes, c’est une grande aide » est plus puissant que « Tu as bien arrosé ».

« Et toi, qu’est-ce que tu en penses ? » : la question magique pour que votre enfant devienne son propre juge

Un architecte qui aurait constamment besoin de l’approbation de ses clients pour chaque décision ne serait pas un véritable maître d’œuvre. De la même manière, un enfant qui cherche systématiquement le « C’est bien ? » dans le regard de ses parents ne construit pas une confiance autonome, mais une dépendance à la validation externe. L’objectif ultime du parent-architecte est de rendre l’enfant capable de s’auto-évaluer. Et pour cela, il existe une question magique : « Et toi, qu’est-ce que tu en penses ? »

Quand votre enfant vous montre un dessin en attendant votre verdict, retournez-lui la question. « Qu’est-ce que tu préfères dans ton dessin ? », « Y a-t-il une partie que tu aimerais changer ? », « Es-tu fier de ce que tu as fait ? ». En faisant cela, vous déplacez le centre de gravité du jugement. Il n’est plus à l’extérieur (chez vous), mais à l’intérieur (chez lui). Vous lui apprenez à développer son propre esprit critique, à identifier ses propres sources de satisfaction et à devenir l’expert de son propre travail. C’est un changement radical qui l’autorise à aimer son travail même si les autres ne l’aiment pas, et inversement.

Cette posture de questionnement est un dialogue permanent, comme l’illustre l’image ci-dessous. Il s’agit de créer un espace de conversation où l’avis de l’enfant est non seulement sollicité, mais considéré comme l’élément le plus important.

Parent et enfant assis face à face discutant des choix vestimentaires dans un dialogue respectueux.

Étude de cas : Le débriefing de la journée version autonomie

Le soir, au lieu du traditionnel « Alors, tu as bien travaillé à l’école ? », qui appelle une réponse fermée et une évaluation, essayez une approche différente. Posez des questions ouvertes qui invitent à la réflexion personnelle : « Quel a été le moment le plus intéressant de ta journée et pourquoi ? », « Y a-t-il quelque chose que tu as appris aujourd’hui qui t’a surpris ? », « Si tu pouvais refaire ta journée, y a-t-il quelque chose que tu ferais différemment ? ». Ce type de questionnement aide l’enfant à forger sa propre opinion, à analyser ses expériences et à prendre conscience de son propre processus d’apprentissage. Il devient l’historien et l’analyste de sa propre vie.

Cette démarche demande au parent de lâcher son rôle de juge suprême pour endosser celui de coach socratique. L’objectif n’est pas d’obtenir la « bonne » réponse, mais d’initier un processus de réflexion. En validant ses sentiments et ses opinions (« Ah, je comprends pourquoi tu penses ça »), vous renforcez son estime de soi (sa valeur intrinsèque) tout en l’outillant pour construire sa confiance en son propre jugement.

Le théâtre, le meilleur remède à la timidité : 5 jeux d’improvisation à faire à la maison pour l’aider à s’exprimer

Pour un enfant timide, le monde social peut ressembler à une scène de théâtre intimidante où il ne connaît pas son texte. La peur du jugement, de ne pas savoir quoi dire ou comment agir, peut le paralyser. Le parent-architecte peut alors construire un « plateau d’entraînement » sécurisé à la maison : le jeu théâtral. L’improvisation est un outil formidable pour la confiance en soi, car elle permet d’expérimenter des rôles, des émotions et des interactions sociales sans aucune conséquence réelle. C’est un laboratoire d’expression où l’on a le droit de se tromper, d’être ridicule et d’explorer les facettes de sa personnalité.

Le vêtement ou l’accessoire devient alors un « costume », un déclencheur d’imaginaire qui libère la parole et le corps. Mettre un chapeau, une cape ou des lunettes, c’est comme enfiler une nouvelle peau qui autorise à être quelqu’un d’autre, le temps d’un jeu. Cette distance avec soi-même est souvent ce dont un enfant timide a besoin pour oser s’exprimer. L’enjeu n’est plus personnel (« je suis nul »), mais lié au personnage (« mon personnage est maladroit »).

J’étais un enfant timide, plutôt solitaire, je pouvais rester des heures dans mon coin. Je passais mon temps avec les deux mêmes personnes dans la cour, sans doute par peur d’aller parler à de nouvelles personnes. Les jeux de théâtre m’ont permis de développer progressivement ma capacité à m’exprimer et à aller vers les autres.

– Témoignage, Les Supers Parents

Voici quelques jeux simples à mettre en place pour transformer votre salon en scène de théâtre joyeuse et bienveillante :

  • Le Défilé des Personnages : Préparez une boîte avec divers accessoires (chapeaux, foulards, lunettes…). L’enfant en pioche un et doit inventer et présenter le personnage qui le porterait : son nom, son métier, son humeur…
  • La Statue Émotionnelle : Vous annoncez une émotion (joie, colère, surprise, tristesse) et un vêtement. L’enfant doit prendre une pose exagérée avec le vêtement pour exprimer cette émotion.
  • L’Interview du Super-Héros : Enfilez-lui une cape (un simple drap) et devenez journaliste. Interviewez-le sur ses « exploits » de la journée, même les plus banals (« Comment as-tu réussi l’exploit incroyable de finir tes carottes ? »).
  • Le Miroir Magique : Placez-vous face à lui. Il est votre reflet et doit imiter tous vos gestes. Changez régulièrement d’accessoire pour faire évoluer le « personnage » que vous incarnez.
  • Le Conte Improvisé : Posez 3 vêtements ou accessoires au sol. Vous commencez une histoire en intégrant le premier objet. L’enfant doit continuer en intégrant le deuxième, et ainsi de suite.

« C’est en se trompant qu’on apprend » : comment faire de cette phrase une réalité à la maison

Tout parent a déjà prononcé cette phrase. Pourtant, dans les faits, notre réaction face à l’erreur de notre enfant en trahit souvent le sens. Un soupir d’exaspération quand le verre se renverse, une remarque sur le pull mis à l’envers, une correction immédiate sur un devoir… Ces réflexes, même involontaires, envoient un message contradictoire : l’erreur est un problème à éviter. Pour que la phrase « c’est en se trompant qu’on apprend » devienne une vérité vécue et non un simple mantra, le parent-architecte doit transformer sa vision de l’erreur. L’erreur n’est pas une fissure dans le mur, c’est une information précieuse pour l’ingénieur.

Une erreur est simplement un résultat inattendu. Elle signale un décalage entre l’intention et l’action. Le rôle du parent n’est pas de punir ou de réparer l’erreur à la place de l’enfant, mais de l’accompagner dans son analyse. C’est le passage d’une culture de la performance à une culture de l’apprentissage. Dans une culture de l’apprentissage, chaque erreur est une opportunité de poser trois questions : « Que s’est-il passé ? », « Pourquoi cela s’est-il passé ? » et « Comment pouvons-nous faire différemment la prochaine fois ? ».

Cette approche est essentielle pour construire une confiance en soi résiliente. Un enfant qui a peur de se tromper n’osera jamais sortir de sa zone de confort. Il se contentera de faire ce qu’il sait déjà faire, limitant ainsi son potentiel d’apprentissage. Au contraire, un enfant qui sait que l’erreur est une étape normale et acceptée du processus osera expérimenter, prendre des risques et, finalement, développer de nouvelles compétences.

Étude de cas : Le débriefing constructif de l’erreur vestimentaire

Votre enfant a insisté pour mettre un simple t-shirt alors que vous lui aviez conseillé un pull. Résultat, il a eu froid dans le parc. Au lieu du « Je te l’avais bien dit ! », qui ne fait que renforcer un sentiment de honte, engagez un débriefing constructif une fois rentrés au chaud. 1. Constat factuel : « J’ai vu que tu tremblais tout à l’heure, tu as eu froid, n’est-ce pas ? » 2. Analyse des causes : « À ton avis, pourquoi as-tu eu froid ? » Laissez-le arriver à la conclusion sur le choix du vêtement. 3. Recherche de solution : « La prochaine fois qu’on ira au parc et qu’il fera ce temps, qu’est-ce qu’on pourrait faire pour que tu sois plus à l’aise ? » L’enfant devient ainsi acteur de la solution et apprend à ajuster ses décisions futures en fonction de l’expérience passée.

Les 3 phrases magiques pour se faire un nouvel ami quand on est timide

Pour un enfant, et particulièrement un enfant timide, aborder un autre enfant dans la cour de récréation peut sembler aussi complexe que de s’adresser à un chef d’État. La peur du rejet est immense. Souvent, ce n’est pas l’envie qui manque, mais la connaissance du « code », des mots de passe qui ouvrent la porte de l’interaction. Le parent-architecte peut ici fournir une « trousse à outils » sociale, des phrases d’accroche simples et efficaces qui agissent comme des clés pour déverrouiller le premier contact.

L’idée n’est pas de fournir un script rigide, mais des exemples de phrases contextuelles qui réduisent l’incertitude et donnent un point de départ concret. Ces phrases ont trois caractéristiques communes : elles sont basées sur l’observation, elles proposent une action commune, ou elles posent une question ouverte qui invite à la conversation. Elles permettent de déplacer le focus de « Est-ce qu’il va m’aimer ? » à « Est-ce qu’on peut faire quelque chose ensemble ? ». C’est une approche beaucoup moins anxiogène.

Dans un contexte où, malheureusement, 1 enfant sur 10 est victime de harcèlement au collège, donner à son enfant les outils pour créer des liens sociaux positifs est une véritable armure. La confiance en sa capacité à se faire des amis est l’un des meilleurs remparts contre l’isolement et la vulnérabilité. Il est donc crucial de les équiper tôt avec des stratégies sociales simples.

Voici quelques exemples de « phrases magiques » à répéter et à s’entraîner à la maison, en les adaptant à ce qui est populaire dans la cour de récréation de votre enfant :

  • Basée sur un compliment/une observation : « J’aime bien le dessin sur ton t-shirt, c’est quel personnage ? » (Ouvre la porte à une discussion sur un intérêt commun).
  • Basée sur une proposition de jeu : « Tu veux qu’on joue à 1, 2, 3, soleil ensemble ? » (Simple, direct, et le jeu a des règles connues qui structurent l’interaction).
  • Basée sur une demande d’aide/d’information : « Tu connais les règles de l’épervier ? Tu peux m’expliquer ? » (Valorise l’autre enfant en le positionnant comme « expert » et crée une collaboration immédiate).
  • Basée sur le partage : « J’ai apporté des cartes, tu veux qu’on fasse une partie ? » (Offrir quelque chose est un excellent moyen de briser la glace).
  • Basée sur une demande d’inclusion : « Est-ce que je peux jouer aux billes avec toi ? » (Direct, honnête et montre un intérêt clair pour l’activité de l’autre).

À retenir

  • La confiance se bâtit par l’action et l’expérience, pas par les compliments vides.
  • Le rôle du parent est de devenir un « architecte » qui crée des opportunités de maîtrise (responsabilités, défis) et un coach qui aide à analyser les échecs.
  • Le langage est un outil : remplacez les jugements (« c’est bien ») par des descriptions (« j’ai vu tes efforts ») pour développer un état d’esprit de croissance.

Devenir un « traducteur social » pour son enfant : le guide pour l’aider à naviguer dans le monde complexe de l’amitié

Donner des phrases d’accroche à son enfant, c’est lui fournir la clé de la voiture. Mais pour qu’il puisse conduire en toute sécurité, il a besoin d’apprendre le code de la route. Le monde des relations enfantines est un univers complexe, rempli de non-dits, de codes implicites et de signaux non verbaux que les enfants, surtout les plus anxieux ou timides, ont du mal à déchiffrer. Le rôle ultime du parent-architecte est alors de devenir un « traducteur social ». Il ne s’agit plus de donner des instructions, mais d’aider l’enfant à lire la carte des interactions humaines.

Être un traducteur social, c’est aider son enfant à décoder le comportement des autres et le sien. C’est mettre des mots sur des situations sociales floues. Cela passe par le débriefing des expériences vécues, qu’elles soient positives ou négatives. Lorsqu’un enfant possède une estime de soi solide, il se sent suffisamment en sécurité pour affronter ces obstacles, mais il a besoin d’outils d’analyse pour ne pas se sentir dépassé. Le parent peut lui fournir cette grille de lecture.

La méthode du « Replay Commenté »

Après une fête d’anniversaire ou une après-midi de jeu, prenez un temps calme pour faire un « replay » avec votre enfant, comme un commentateur sportif analyse un match. « Raconte-moi, à quel moment t’es-tu le plus amusé ? », « J’ai remarqué qu’à un moment, quand Jules a pris ton jouet, tu as froncé les sourcils. Qu’est-ce qui se passait dans ta tête à ce moment-là ? », « Quand Léa t’a tourné le dos, à ton avis, est-ce qu’elle était fâchée contre toi ou est-ce qu’elle voulait juste parler à quelqu’un d’autre ? ». L’objectif est d’explorer les intentions, les émotions et les perspectives des autres, sans juger, pour enrichir sa compréhension des dynamiques sociales.

Ce travail de décodage est particulièrement utile pour interpréter le langage non verbal, qui représente une part immense de la communication. Un tableau simple peut aider l’enfant à associer un geste à une signification possible et à une réponse adaptée.

Décodage du langage non-verbal enfantin en France
Geste observé Signification probable Réponse adaptée
Haussement d’épaules Indifférence ou « bof » Reformuler pour vérifier l’intérêt
Regard fuyant Gêne ou mensonge Créer un climat de confiance
Bras croisés Fermeture ou défense Prendre du recul, revenir plus tard
Agitation physique Stress ou excitation Proposer une activité calmante

Devenir ce « traducteur » pour son enfant est la phase la plus avancée de la construction de sa confiance sociale. Pour y parvenir, il est crucial de maîtriser les techniques de débriefing et de décodage.

En endossant ce rôle d’architecte, vous ne vous contentez pas de rassurer votre enfant : vous l’équipez pour la vie. Chaque responsabilité confiée, chaque erreur transformée en leçon et chaque interaction sociale décodée est une pierre ajoutée à l’édifice de sa sécurité intérieure. Pour aller plus loin, l’étape suivante consiste à choisir un premier « chantier de confiance » adapté à l’âge et à la personnalité de votre enfant, et à l’accompagner avec bienveillance dans cette nouvelle responsabilité.

Rédigé par Julien Fournier, Julien Fournier est psychomotricien et éducateur de jeunes enfants depuis 15 ans, avec une expertise reconnue dans le développement par le jeu libre et la motricité. Il accompagne les familles et les structures de la petite enfance pour créer des environnements riches et stimulants.